Le dimanche, chacun le sait dans nos campagnes,
c'est le jour des cyclotouristes. Nous enfourchons deux VTT et pédalons
au travers du désert vers la vallée de la lune, un paysage étrange,
extraterrestre, au cœur de la Cordillère de sel, la bien nommée. Le
sol est essentiellement constitué de cristaux de sel qui forment parfois
de larges facettes transparentes et lisses comme du verre.Nous en ignorons
la provenance géologique exacte, mais ces véritables Andes salines laissent
supposer que dans un autre temps, il nous eut fallu plonger pour explorer
ces orgues de cathédrale, ces pistes de bobsleigh, ces formes liquéfiées
à la Dali. Nos VTT ont conservé de leurs ancêtres vélocipèdes une assise
rustique qui irrite bien vite le popotin de Martine.
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Nos globules rouges sous-numéraires se chargent
comme des lamas de quelques molécules d'oxygène qui flottent ça et là
et fournissent avec peine nos masses musculaires qui luttent contre
le vent et une jolie grimpette, à 2 800 mètres d'altitude.Le sunset
et le moonrise brandissent leur spectre de couleurs fantasmagoriques.

Quel mal de chien pour ce spectre divin,
se dit notre héroïne sur la route du retour. La nuit tombe, Martine
avec. Il reste 15 kilomètres à faire dans la nuit noire, sauf votre
respect Madame la Lune. Un pick-up passe soudain à ma hauteur. Ses occupants
m'adressent un petit mot en ralentissant. J'en profite pour sauver la
situation : " Por favor Señor, mi mujer esta un poco cansada. Vamos
hasta San Pedro. Es un poco lejo. Podemos ir a San Pedro con Uds ? ".
Qu'ils sont sympas ces chiliens! Ils embarquent aussitôt nos deux vélos
et nous déposent vingt minutes plus tard à San Pedro. On se fait déposer
100 mètres avant le bourg, et le traversons avec la fierté hypocrite
de deux conquérants du désert ! .
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