Il apparaît que plus nous descendons vers le sud, plus le peuple chilien gagne en douceur de vivre, comme victime d'une certaine et bienheureuse apathie. L'hypotension nous guetterait-elle sous ces latitudes ? Nous logeons dans une petite hospedaje , toute de bois vêtue, tenue par un couple dont l'addition des influx nerveux électriques ne dépasse pas la puissance de feu d'une ampoule de 20 Watts. Quoique, ici, la comparaison avec une bougie serait plus adaptée. Des vieux coucous de brocanteurs, une gazinière à bois traditionnelle, un vieux poêle, une caisse enregistreuse sortie tout droit d'un vieux saloon hollywoodien, des chaises de roi et une vaisselle de grand-mère, donnent une atmosphère très paisible à notre retraite au bord du lac Llanquihue. Le vent du Sud souffle et refroidit la masse d'air. Nous ne quittons plus désormais notre polaire, et sortons fréquemment la doudoune, pour maintenir nos corps à sang chaud, donc inadaptés, à une température confortable. Promenade au bord du lac, et dîner au " Los Amigos " où nous sympathisons avec une famille chilienne en vacances estivales. Jorge, le père, travaille dans une mine de cuivre, Regina la mère est chimiste et Veronica la fille étudiante. Ils nous parlent toute la soirée en espagnol. Martine soutient avec brio cette discussion. Je m'accroche aux mots, à la ponctuation, au contexte, et me hasarde à quelques interventions mineures. Je me sens comme un enfant écrasé par une conversation d'adultes, tous indifférents à mes difficultés linguistiques. Toutefois, ce lourd handicap s'allège peu à peu. D'une surdité initiale totale, j'évolue jour après jour et retrouve une ouïe plus adaptée. En corollaire, ma langue commence à se délier. Il y avait quelque chose de très chilien dans cette journée. Froid, chaleur, simplicité et nature. Ouais, je me sens bien. Martine aussi qui conclue la journée par un nouveau record de Tetris sur son Game-Boy. | ||