Au matin, nous retraversons la campagne chilote jalonnée de fragiles maisons fermières aux écailles de bois colorées, en quête - Ah ! la belle utopie que voilà - de splendeurs ensoleillées. Ces maisons typiques noyées dans la verdure sont vraiment belles et me font penser à quelque poisson échoué dans un grand plat de salade verte. Nous voici ainsi à Chonchi, hébergés par un hôte très british, à l'humour peu cinglant, mais qui se plaît à répéter en permanence à nous autres français, que ses blagues corrosives ne doivent pas nous désorienter, car l'humour est le trait principal de son caractère, et que patati et que patata et que... papas fritas s'il vous plaît car nous avons faim ! Nous buvons un verre de rouge dans un bar à vinasse en guise d'apéro. Quelques pêcheurs alcooliques et braillards, pleins comme des outres, y refont l'histoire de l'île, l'histoire de cette ultime et farouche résistance aux espagnols lors de la conquête. Le resto domine la baie et le port, mais tout cela n'a pas le charme d'Ancud. La ville, ce soir, est en fête car l'été bat son plein. Il fait presque dix degrés dehors. Martine grelotte sous ses cinq couches de textiles modernes et fait pâle figure face aux grasses et massives Chilotes qui se pavanent en tee-shirts le long du port. Cependant, quand le soleil se couche au large sur l'île de Lemuy, les gros pull-overs typiques de Chiloé, les bonnets tricotés main et toute autre pièce de vêtement en laine épaisse, fleurissent comme crocus au printemps. Et moi j'éternue car ces laines sont poussiéreuses et volatiles. Trois ou quatre chars, cinq au plus, défilent dans la rue, les enfants chantent et dansent la tradition de l'île, les hermanos Sanchez tout droit venus d'Argentine entonnent quelques chansons mais leur partition de canards et larsens nous expédie bien vite dans un monde horizontal, où dans nos rêves les plus fous, nous courons nus sur des plages ensoleillées et désertes, en harmonie totale avec une nature qui s'acharne parfois à dissimuler sa grâce. |
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