Chili, Ô Chili, te revoici. Nous retrouvons tes pisco sour, tes lomo a la pobre , tes cazuelas , ton accent beaucoup plus conforme au modèle castillan, ton identité propre. Mais les nouvelles latitudes sous lesquelles nous évoluons ont consumé les glaciers, les lacs, les forêts, les plaines verdoyantes, les vallées vinicoles, et les hommes s'en sont allés, n'ayant nul endroit où s'abriter, nulle mare où étancher leur soif, nulle bête à chasser, nul poisson à pêcher. Nous venons de pénétrer l'une des zones les plus arides de la planète terre, le désert d'Atacama.

Devant un verre de pisco qui nous renvoie aux premiers émois de notre aventure sud-américaine, nous évoquons la route fabuleuse qui nous fit relier Salta à San Pedro de Atacama, oasis de 1 000 habitants au coeur de cette désolation. Peut-être fallait-il prendre cette route pour comprendre la situation géographique particulière de ce pays sur le continent. Le Chili est une île bordée à l'ouest par le Pacifique, débordée à l'est par le raz de marée andin, et couronnée au nord par une gigantesque mer de sable et de sel. Nous franchissons la barrière andine par le Paso de Jama à 4200 mètres d'altitude après avoir traversé notre premier salar, celui de San Antonio de Los Cobres. Ce salar, vaste étendue plane couverte d'une épaisse couche de sel est d'une blancheur parfaite. De Pumamarca, côté argentin, à San Pedro, côté chilien, nous franchissons plusieurs centaines de kilomètres en ne croisant que quelques rares maisons de pierre incroyablement isolées dans ces immenses horizons montagneux. Ces Andes sont vraiment différentes de nos Alpes françaises. Elles sont rarement oppressantes et dégagent en permanence de fantastiques et larges visions. Plusieurs touristes pressés par l'inexorable écoulement du temps ne viennent sur San Pedro que pour un jour ou deux, pour le seul plaisir de conquérir ces Andes infranchissables. Nous laissons derrière nous l'Argentine, définitivement cette fois, et ce pays à l'identité multiple et complexe, nous laisse depuis les hauteurs du Paso de Jama, une dernière image de puissance et de quiétude.