Après une heure de caballo avec
nos trois vaqueros de la pampa, dignes équivalents des gauchos argentins
et des cow-boys texans, nous arrivons chez les voisins.

Nous sommes accueillis avec cette
léthargie si commune aux paysans boliviens. Il nous faudra presque une
heure pour comprendre le sens de notre visite à cette estancia. Derrière
nous, la voix gutturale du professeur Marcello Sanchez énonce les jours
de la semaine : Lunes, Martes, Miercoles...

Sept à huit enfants l'écoutent. Leurs selles
sont alignées sur le mur de la classe, comme d'autres enfants accrocheraient
leurs petites vestes aux portemanteaux. L'ambiance est paisible. Selon
l'usage local, je découpe mon pamplemousse en spirales en conservant
la partie blanche et charnue de la peau, perce un trou à la base, et
en le pressant, déverse dans mon gosier asséché par la cavalcade, un
jus bien délicieux. Nous sommes invités à assister au travail des vaqueros
qui ont parqué dans leur corral quelques centaines de vaches et taureaux
efflanqués, bosselés comme des zébus.

Le spectacle est
fascinant car les bêtes sont nerveuses. La tâche entreprise par nos
tranquilles vaqueros consiste à les transvaser d'un corral à l'autre,
à les pousser ensuite vers un couloir étroit dans lequel vaches et taureaux
excités galopent en file indienne. Au bout de ce couloir, un système
de battant permet de diriger les jeunes taureaux à castrer vers le corral
de droite, et les vieilles carnes déjà émasculées vers celui de gauche.
"El segundo, el colorado, novillo ! ". Celui qui repère les jeunes taureaux
vient de désigner la victime mais le vaquero chargé de la porte à battant
rate son coup.

Le jeune taureau
à castrer se retrouve dans le corral de gauche. Les dix vaqueros qui
participent à ce tri délicat sautent aussitôt dans l'arène, et commencent
à faire tournoyer sous le soleil pesant leur long lasso de cuir.
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