Changer de pays

Le mercredi 2 Juin, nous quittons le campamento de Santa Rosa, et descendons le rio Tuichi puis le rio Beni pour rejoindre de bonne heure Rurrenabaque. Nous avions demandé à Tojo qui nous avait déjà organisé le trek précédent, de nous concocter une petite expédition de trois jours dans la pampa, une région du Beni où la jungle cède la place à la savane et à de vastes étendues partagées par les grandes estancias de ces basses terres. Nous avions quelques craintes de partir avec nombre de routards encombrants, mais Tojo, dont la sauvagerie n'a d'égale que la nôtre, nous propose une petite expédition particulière, hors des sentiers battus.
Une heure après avoir débarqué de notre pirogue à Rurre, après trois heures de voyage, nous enchaînons trois heures de 4x4 avec David et Mario le Goliath, nos nouveaux guides, et rejoignons les rives du rio Yacuma. Et là, devinez quoi ? Nous embarquons sur une pirogue !

Avec les marmites et le nécessaire pour nourrir nos féroces appétits pendant trois jours. Nous remontons pendant cinq heures ce rio extraordinaire. Dès le départ, nous nous sentons observés par une faune très riche.

Les caïmans negros et autres espèces de crocodiles foisonnent. Nous surprenons au détour des courbes étroites du Yacuma, des cabiais qui viennent ici se rafraîchir avec leurs petiots. La végétation tropicale déborde sur les eaux, et les eaux débordent dans la végétation, formant parfois de jolies vasques dans lesquelles évolue le plus surprenant animal de ces eaux douces : le dauphin rose. S'il était difficile pour nous d'imaginer croiser des dauphins sur une rivière d'eau douce de dix mètres de large, il nous faut bien admettre, car ils bondissent, là, sous nos yeux, qu'il s'agit bien de vrais dauphins, grands comme leurs cousins des eaux salées, mais à la peau claire, rosée, et au museau allongé. Rencontre magique.

De grands échassiers aux envergures de ptérodactyle, des cigognes, des aigles, des oiseaux de paradis, des espèces de flamants, plus trapus, plus roses, ou plus grands, blancs et noirs, nichés comme des cigognes au sommet des arbres,

des papagayos et autres perroquets plus petits, un cousin du cormoran qui plonge de sa branche dans les profondeurs du rio pour échapper aux nuisances humaines, des canards 747, et combien d'autres espèces ailées aux noms mystérieux, fuient ou survolent l'avancée de la pirogue. La végétation est agitée par les six espèces de singe de la pampa. Le soleil déclinant donne à ce tableau des couleurs extrêmement romantiques. Quelques toucans nous saluent dans le soleil couchant. Les caïmans regagnent leurs eaux troubles et les gentils dauphins se mettent au repos jusqu'aux premières chaleurs du lendemain. Nous arrivons à notre hébergement, une estancia très isolée dans les terres du Beni. Martine qui planait encore très haut avec les anges du rio, déchante subitement. Les conditions sont spartiates. Doux euphémisme pour qualifier cette pièce avec son sol en terre battue, sur lequel nous devons nous allonger au milieu des souris qui circulent librement et des cafards gros comme un pouce de paysan. Dans la demi pénombre, cette décoration murale est plutôt repoussante. Bien sûr, ni eau, ni électricité, et un accueil inexistant. Remonter le moral de Martine dans ce type de circonstances est un challenge redoutable qui demande beaucoup de patience et d'énergie.

Finalement, nous trouvons une brillante solution. Nous montons la tente sur la terre battue, ce qui nous protège de tous les rampants répugnants du bas monde et des escadrilles armées de bombes au palu qui descendent des cieux crépusculaires.
Ouf ! on se détend. Ce soir, riz et corned-beef ! Ou comment achever une journée follement et sauvagement romantique.
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