Changer de pays

 
Et nous voici, magie du voyage, à Copacabana. Ah ! Copacabana, sa plage, ses filles chaudes, bronzées, charnues, ses mâles aux torses secs, puissants, au hâle séduisant, son soleil et ses eaux claires. Ah Copacabana, fier étendard du mythique Brésil ! Mais toi, Copacabana la bolivienne, que revendiques-tu ? Tes filles se cachent sous leur chapeau melon, leur chair enfouie sous mille jupons brillants, leur sensualité condamnée par la vierge grandement célébrée, cette vierge enfermée dans une cage de verre au sein de cette cathédrale parachutée d'un royaume oriental.Copacabana, sur les rives du lac Titicaca, à 3800 mètres et quelques vagues au-dessus des 1013 millibars qui font office de repère zéro, est une petite ville calme, sans voiture, coincée entre le lac et les cerros qui la cernent.

Ce matin, il a neigé sur l'île du soleil. Puis des grêlons sont tombés sur l'île de la lune, creusant des milliers de cratères lumineux sur la mer de la Tranquillité. Les eaux martelées du lac semblent nées de l'imagination pointilleuse et pointilliste d'un Seurat ou d'un Sisley.

Nous naviguons vers l'isla Del Sol, cette terre insulaire qui vit vers l'an 1200 la naissance de Manco Capac, fondateur de la dynastie Inca.

 

De là, il migra vers Cuzco au Pérou, où il jeta les bases de ce qui devait devenir, trois siècles plus tard, le plus grand empire que les Amériques aient connu. Nous ne tarderons pas à suivre ses traces. Mais pour quel nouvel empire ? La magie du Titicaca jouerait-elle encore ? Entre le soleil, la lune, les eaux pures du lac et la Cordillère enneigée, pouvons-nous aussi y trouver les clés d'un empire personnel, d'un futur éclairé et enthousiasmant ? Voilà aujourd'hui cinq mois que nous construisons quelque chose d'impalpable, d'immatériel, une entreprise égoïstement personnelle, asociale. Nous déconstruisons l'édifice en carton-pâte sur lequel ne se construit pas un avenir. Il me semble avoir gagné plusieurs années de sérénité et perdu un peu plus de ma jeunesse innocente.

L'air vif du Titicaca ravive la notion du temps, le temps passé et le temps futur. L'idée du retour commence à semer ses angoisses et ses joies dans nos cerveaux disponibles. Comment concilier cette aspiration nouvelle à la simplicité, cette aspiration ancienne au mouvement, et divers projets qui germent dans nos visions prospectives ? En laissant faire sûrement, sans tricher. Marchant vers les ruines principales de l'île du soleil, 200 mètres au-dessus des eaux profondes du lac, à 4000 mètres donc, Martine peut constater amèrement qu'elle n'est pas encore au mieux de sa forme.

Personnellement, ce petit exercice physique me remet d'aplomb. Le soir, du haut du cerro qui surplombe Copacabana, nous observons un phénomène rare : le coucher du soleil sur les eaux du Titicaca ! 365 fois par an, il se couche là-bas, sur l'horizon péruvien. Demain, nous irons le chercher où il se cache, quittant cette belle et contrastée Bolivie après un mois et demi de plaisante errance.

   
 
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