Chemin des Incas, 1er jour, 19 Juin 1999. Le train qui
nous mène jusqu'au km 88, point de départ du trek, remonte les montagnes
qui dominent Cuzco du haut de leur 4 000 mètres, en enchaînant les zigzags
à coup de marches en avant très lentes et de marches en arrière poussives.

Trois heures plus
tard une centaine de trekkeurs abordent les premières pentes du périple.
Nous avons décidé, en cette première journée, de nous rapprocher au
maximum du premier col à 4200m pour simplifier l'étape difficile du
lendemain. La pente est sévère. L'oxygène qui se raréfie alourdit le
pas. Le décor est sauvage. Les trekkeurs se sont dispersés et ne polluent
plus nos champs de vision. Les montagnes sont très escarpées et les
gorges profondes.
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Mon sac pèse trois tonnes. Martine, elle,
galope avec le sac photo sur le dos. Elle se dit qu'elle a fait le bon
choix. Ipse, lui, commence à nous inquiéter. Si les porteurs indiens chaussés
de tongs en caoutchouc soutiennent sans défaillir leur demi quintal de
charge, allant jusqu'à courir comme des lapins sur ces pentes terribles,
notre Ipse, lui, est déjà à la ramasse avec ses dix huit kilos, désespéré
de nous voir poursuivre vers le campement le plus proche du col. |
Son état d'épuisement est tel
que tout à coup, un porteur indien, un vrai, me dépasse en courant,
le sac d'Ipse sur le dos, suivi de l'incompétent, tout sourire, le pas
léger.Et pour cause!

Vers 17 heures, les
cannes gorgées d'acide lactique, nous atteignons le campement.
Mauvaise surprise. Les tours opérateurs qui managent le tourisme de
masse prennent plaisir à exploiter quelques dizaines de bêtes de somme
indigènes auxquelles ils donnent le titre déjà pesant de porteurs. Ecrasés
par des charges monstrueuses, ils sont contraints par leurs employeurs
bureaucrates à galoper devant tous les randonneurs du jour, avec suffisamment
de longueurs d'avance pour réserver chaque soir les meilleurs emplacements,
bien exposés, bien larges et bien plats. Lorsque nous arrivons à notre
tour, et bien avant les groupes pour lesquels il travaillent, ils ne
tolèrent aucune intrusion dans cette autoproclamée propriété privée.
Irrités, nous n'en avons cure et dressons nos tentes sous les insultes
et les étoiles. A 3700 mètres la température chute rapidement. Una sopa
de verduras et du riz au thon nous propulsent dans nos duvets. Ipse,
de moins en moins autonome, demande à dormir sous notre tente, à peine
suffisante pour deux. Nous sommes sidérés. Nous pensions qu'il portait
une tente ou qu'il s'arrangerait avec les autres porteurs, mais il prend
prétexte de son statut social supérieur pour inhiber toute velléité
d'arrangement. Finalement il trouvera son bonheur sous l'avancée bien
protégée de notre tente. Non mais, il faut qu'il se calme ce garçon
!
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